DATA.Interventions

DATA.Interventions

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Des données fiables et exhaustives sur les accidents de baignade et les sauvetages à l’océan sont essentielles pour qualifier le niveau de risque d’une plage (Koon et al. 2021). A ce jour, en France, seuls les appels aux urgences sont recensés sous une forme exploitable d’un point de vue statistique. Ces cas ne constituent toutefois qu’une partie des incidents de plages, c’est-à-dire ceux dont la gravité requiert l’avis d’un médecin. Des travaux exploratoires (Castelle et al. 2018) ont pourtant montré que de nombreuses opérations (préventions, aide à baigneurs…) doivent également être prises en compte. La situation est d’autant plus paradoxale que les sauveteurs rassemblent d’ores et déjà une grande quantité d’observations décrivant leurs activités quotidiennes (préventions, secours, météo, affluence…), mais celle-ci n’est actuellement pas exploitable en l’état pour la recherche scientifique. De plus, les pratiques de comptabilisation varient très souvent d’un poste à l’autre, ce qui complique les comparaisons.

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un outil de collecte et d'analyse inédit

Dans ce contexte, les scientifiques du projet SWYM et les sauveteurs du SMGBL ont réfléchi à la mise en place d’un outil numérique de collecte et de suivi des opérations, de préventions et de secours, déployées à l’océan. Cet outil devait impérativement être adapté aux conditions de travail du sauveteur (opérant potentiellement dans des endroits dépourvus d’un bonne connexion internet) et surtout ne pas interférer avec sa mission prioritaire, qui reste d’assurer la sécurité des baigneurs. S’inscrivant dans une philosophie de science ouverte et de service public de la recherche, l’outil devait obligatoirement être gratuit, sans finalité commerciale.

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En collaboration avec les sauveteurs, les chercheurs de SWYM ont créé un formulaire de saisie des interventions à partir du logiciel ODK collect, open source, conçu spécialement pour la collecte de données off line, sur des supports variés (téléphone, tablette, ordinateur). Pour chaque intervention, le sauveteur renseigne le lieu, la date et l’heure, la nature de l’intervention, le contexte (activité de la victime, localisation, cause) et, pour les cas requérant un avis médical seulement, des informations non identifiantes sur la victime (genre, tranche d’âge, évacuation). Des listes prédéfinies sont proposées afin de gagner un maximum de temps (par exemple, pas de cause « courant de baine » pour un trauma ou un malaise sur le sable). Sur le terrain, la saisie d’une intervention se déroule en quelques dizaines de secondes.

En présence d’une connexion internet, les informations saisies dans les formulaires sont automatiquement transférées sur les serveurs sécurisés d’INRAE afin d’alimenter une base de données. Une application web de suivi et d’interrogation à distance a également été conçue par les chercheurs du projet, à partir du package R shiny, afin d’observer l’état d’avancement de la saisie et de faire des requêtes (séries temporelles, résumés, croisements entre les variables …).

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2023: Premières expérimentations dans les Landes

Du 1er juillet au 31 août 2023, les chefs de poste responsables de la sécurité sur 5 plages des Landes (le Vivier à Biscarrosse, la plage Sud à Mimizan, La Lette Blanche à Vielle-Saint-Girons, les plages Centrale et Sud à Hossegor) ont accepté de participer à la première expérimentation du dispositif, en renseignant la base de données à l’aide du formulaire installé sur des tablettes numériques. Sur la période d’observation, 1614 opérations ont été décrites. Près de 9 sur 10 (88%) n’ont pas nécessité d’avis médical et n’auraient donc pas pu être identifiées dans un autre dispositif que le nôtre. Ce travail met en lumière le rôle important des préventions (62% du total), le poids non négligeable des opérations hors zone réglementée (26% du total), mais aussi des variations temporelles et des spécificités géographiques insoupçonnées jusqu’à lors : même au sein d’un littoral en apparence homogène, comme celui des Landes, les configurations locales ont une influence déterminante. Les particularités de chaque interventions (localisation des plus fréquentes, activités des victimes secourues) se dessinent également.

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2024: élargissement à la Charente Maritime

En collaboration avec le Syndicat Mixte de Gestion des Baignades Landaises (SMGBL) et le Service Départemental d'Incendie et de Secours de Charente-Maritime (SDIS17), une nouvelle phase de collecte de données est lancée en 2024. Cette dernière englobe 21 postes de secours, dont 11 dans le département des Landes et 10 dans le département de Charente-Maritime. Cette articulation entre des dispositifs de collecte et d'analyse de données sur la sécurité de la baignade, co-construite par des chercheurs et des sauveteurs, reste tout à fait inédite sur un plan international. Durant les 2 mois d'été, 13.555 actions de prévention et d'assistances diverses aux personnes ont été renseignées grâce aux tablettes fournies à cet effet. En matière de secourisme, ce sont notamment 1.296 soins, 1.065 aides à baigneurs et sauvetages (dont 16 noyades de stade 2 et plus), 252 traumas et plaies graves dont nous sommes en mesure d'étudier les mécanismes. Plus de 70% des opérations ont concernées des activités aquatiques. Quatre sur 10 se sont déroulées dans la zone de bain et près de 10% hors de la zone réglementée ou hors période de surveillance. Le croisement avec les facteurs environnementaux (météo, vagues, marées) nous permettra de mieux comprendre les causes de ces accidents.

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2025: Nouvelle montée en puissance

Grâce au succès des deux premières années, le Syndicat Mixte de Gestion des Baignades Landaises nous a  sollicité pour déployer l'outil de collecte sur l'ensemble des 58 postes de surveillance sur lesquels il intervient. Cette montée en puissance sera permise par le soutien financier du PEPR IRIMA (projet IRICOT). Face aux nouvelles demandes que nous recevons, un projet d'envergure nationale s'impose néanmoins Affaire à suivre...

Références

  • Castelle B., Brander R., Tellier E., Simmonet B., Scott T., McCaroll J., Campagne J.-M., Cavailhes T., Lechevrel P. (2018), Surf zone hazards and injuries on beaches in SW France, Natural Hazards, https://doi.org/10.1007/s11069-018-3354-4
  • Koon W., Schmidt A., Queiroga A. C., Sempsrott J., Szpilman D., Webber, Brander R. (2021), Need for consistent beach lifeguard data collection: results from an international survey, Injury Prevention, 27(4),  308-315, https://doi.org/10.1136/injuryprev-2020-043793
  • Morgan D., Ozanne-Smith J. (2013), Surf Lifeguard Rescues, Wilderness and Environmental Medecine, 24:285-290, https://doi.org/10.1016/j.wem.2013.02.001